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Blaise Cendrars
En 1938, quand Élisabeth Prévost est présentée à Blaise Cendrars, !'écrivain a déjà exploré les continents de l'ancien et du nouveau monde autant que ceux de l'écriture. Né Frédéric Sauser à La Chaux-de-Fonds en Suisse, il est à 17 ans à Saint-Pétersbourg où il séjourne de 1904 à 1907 et revient en 1911 avant de s'embarquer à Libau pour New York d'où il rapporte à Paris Les Pâques à New York, signées Blaise Cendrars. Un an plus tard, La Prose du Transsibérien, « premier livre simultané » composé avec les couleurs de Sonia Delaunay, change le cours de la poésie contemporaine. Signataire avec Canudo en tête de la liste des artistes étrangers à la défense de la France, il s'engage dans la légion étrangère. Mutilé du bras droit en 1915, il prend la nationalité française la même année.

De retour à l'écriture dès 1916, il fait reculer les frontières littéraires avec les textes les plus emblématiques de l’esprit de l'époque (
Profond aujourd'hui, La Fin du monde filmée par l'ange Notre Dame, j'ai tué, L'Eubage entre autres). Autour des années vingt, Cendrars paraît sur tous les fronts de l'avant garde : critique d'art, il écrit sur Chagall, Braque, Survage, Picasso, les Delaunay. Librettiste, il travaille au ballet La Création du monde avec Fernand Léger et Darius Milhaud pour les ballets suédois de Rolf de Maré. Cinéaste, il est aux côtés d'Abel Gance pour le tournage de La Roue. Éditeur, il est directeur de collection aux éditions de La Sirène. Puis c'est la découverte du Brésil, sa deuxième patrie de cœur, où il fait de longs séjours entre 1924 et 1928 et rapporte de fabuleux reportages. En même temps, Cendrars explore l'art du roman : L'Or (1925), Moravagine (1926), Le Plan de l'aiguille et Les Confessions de Dan Yack (1929), Rhum (1930). En 1936, au moment de la sortie du film inspiré par son roman L'Or, Cendrars retourne aux États­Unis pour des reportages sur Hollywood qui deviendront le récit Hollywood, la Mecque du cinéma. Il venait juste de publier Histoires vraies (1937), et La Vie dangereuse (1938), nouvelles en grande partie inspirées du Brésil, quand on lui présenta la jeune exploratrice qu'était alors Élisabeth Prévost. Une page brève et peu connue de la vie du grand bourlingueur des voies du monde et de l'écriture s'ouvre alors quand il « prend racine par en haut et par en bas » dans cette « forêt shakespearienne » des Ardennes où réside « Madame [le] copain » avec qui l'auteur de L'ABC du cinéma et de Vol à voile poursuivit brièvement des rêves de cinéma et de tours du monde en cargo el bateau à voile.

En 1939 Cendrars part comme correspondant de guerre pour les journaux français dans la force expéditionnaire britannique. Après trois ans de silence à Aix-en-Provence, il reprend sa machine à écrire et y glisse sa vie comme « une feuille de papier carbone entre deux feuillets blancs » pour écrire ses quatre célèbres volumes de mémoires transfigurées aux titres emblématiques de
L'Homme foudroyé, La Main coupée, Bourlinguer, Le Lotissement du ciel. Les titres des dernières œuvres ne sont pas moins significatifs : Emmène-moi au bout du monde, Trop c'est trop, À l'Aventure (anthologie).

En 1958, André Malraux remet la cravate de commandeur de la Légion d'honneur à Cendrars à son domicile. En 1961, il reçoit le Grand Prix littéraire de la ville de Paris. ll s'éteint le 21 janvier 1961. En 1994, la municipalité du Tremblay-sur-Mauldre, l'Association Culturelle de cette ville « les 7 Muses », accueillaient le transfert de ses cendres au cimetière du Tremblay-sur-Mauldre d'où Cendrars fit partir la Nationale 10 qui « du parvis de Notre-Dame a jusqu' ... » au Paraguay.

Chez joca seria

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août 1997
17 x 24 cm
160 pages
ISBN 2-908929-45-7

20,58 €


Madame mon copain
Élisabeth Prévost et Blaise Cendrars

Textes établis par Monique Chefdor,
Autour de 31 lettres inédites de Cendrars, des documents, textes et photos nous racontent l’histoire d’une amitié exceptionnelle.


Élisabeth Prévost naît en 1911 et consacre sa jeunesse à élever des chevaux de concours hippique dans les Ardennes.
À 23 ans elle s'embarque dans une vieille Ford pour une traversée de l'Afrique d'Alger au Mozambique où elle cherche une mine d'or abandonnée. Elle participe également à une expédition scien­tifique de chasse au Tchad.
C'est à peine rentrée de ces expéditions et de bien d'autres qu'elle ren­contre en 1938 Blaise Cendrars. En écoutant les récits de chasse de la jeune exploratrice, Cendrars à l'impression d'écouter ses propres « his­toires vraies ». « Écrivez. Écrivez-donc Babette » ne cessa-t-il de répéter lors de ses fréquentes visites en 38-39 à la propriété des Ardennes où Élisabeth élève et dresse ses chevaux.
Mais ce n'est que 25 ans plus tard, alors que Cendrars n'est plus de ce monde qu'elle écrit ses premières nouvelles.
Entre temps, elle vit plus d'une vie. Traversant le monde du théâtre aux côtés de Louis Jouvet et de Jean Vilar nous retrouvons notre auteur dans Je monde du cinéma au Chili et au Portugal puis dans l'île de Formentera où de 1958 à 1965 elle élève des lapins. Puis vient la pêche au saumon en Irlande et au Québec d'où elle rapporte un premier reportage. Car c'est comme reporter qu'Élisabeth Prévost fit trois fois le tour complet et deux fois le demi-tour du monde en cargo, en goélettes ou en train.
À soixante-dix-huit ans elle entreprend son dernier tour du monde en cargo sur le parcours de La Pérouse avec escale à l'île de Pâques. Élisabeth Prévost s'est éteinte le 28 novembre 1996. Elle a élu l'île d'Houat comme dernier port d'attache.
En 1938, on présente à Blaise Cendrars une jeune fille de retour d'une expédi­tion africaine. Elle a 27 ans, et déjà une vie d'aventurière qui ne peut que séduire Blaise. Élisabeth Prévost, cette impressionnante Diane chasseresse, l'invite à visiter son élevage de chevaux de concours hippique dans les Ardennes. Une profonde amitié s'installe entre eux.
Autour des trente et une lettres de Blaise Cendrars, sauvegardées par bonheur ou hasard, alors qu'elles auraient pu tout aussi bien disparaître dans l'incendie de la propriété d'Élisabeth Prévost dans les Ardennes, cet ouvrage rassemble des textes et des documents illustrant le dialogue qui s'établit entre les deux amis.
Dans l'extrait de L'Homme foudroyé, Blaise Cendrars brosse un portrait mémorable d'Élisabeth Prévost sous le célèbre surnom « Diane de la Panne ». L'imaginaire de !'écrivain s'y donne toute liberté. Par l'évocation de ses propres souvenirs Élisabeth Prévost lui répond à travers le temps.
De larges extraits d'un scénario de film écrit en collaboration par Blaise Cendrars et Élisabeth Prévost témoignent de leur complicité, la mise en page des textes en parallèle permet de découvrir leurs apports respectifs dans cette entreprise.
li est indéniable que le romancier a « déteint» sur l'exploratrice. « Madame le copain » tiendra bien la promesse qu'elle s'était faite de « poursuivre les rêves » du poète. Dès que les circonstances le lui ont permis, elle entreprit de faire tous les voyages que Blaise avait faits ou rêvait de faire : le Transsibérien, l'Amazonie, le tour du monde en cargo, le Canada, la Patagonie ...
Mais surtout elle finit par réaliser le vœu de Cendrars qui lui répétait chaque jour pendant ses visites aux Aiguillettes : « Mais Bee & Bee écrivez. Écrivez­donc ».

Les éditions Joca Seria ont publié sous le titre «
Les Carottes au Plaza » deux nouvelles d'Élisabeth Prévost présentées par Monique Chefdor.